Silence de Comès
Quelques mots de l'auteur :
«Je voulais illustrer le problème de
l'incommunicabilité, et plus précisément de la méfiance instinctive à l'égard
des gens "différents", méfiance qui débouche souvent sur la violence.
Personnellement, j'ai toujours éprouvé une forme de tendresse envers les êtres
marginaux, quels qu'ils soient. Peut-être parce que moi aussi, je me range dans
cette catégorie. Le seul fait d'aimer le jazz, dans un petit village aux mœurs
assez rigoristes, passait, sinon pour une perversion, au moins pour une
bizarrerie.»
Propos recueillis par Thierry Groensteen pour les
cahiers de la bande dessinée n°55.
Avis :
Beausonge : un bien joli nom pour un village
! Pourtant l'ambiance qui règne dans ce petit village des Ardennes est
bien éloignée de la promesse formulée : méfiance, avidité, superstitions,
... autant de mots correspondants aux villageois courbés sur les labeurs
de la ferme ! L'existence y semble rude, figée par le temps, emmurée dans
un terrible secret.
C'est là que vit Silence, insensible à la cruauté
des autres, les normaux, prenant leurs moqueries pour de gentilles
attentions. Bon et naïf, Silence "appartient" à Abel Mauvy, un
homme avare et cruel qui profite du jeune homme pour faire tourner son
exploitation à bon compte. Afin d'assurer son emprise sur le hameau, il
n'hésite pas à prêter Silence à ses voisins pour les travaux des champs.
Communiquant difficilement avec les hommes, Silence
est plus à l'aise avec les animaux et la nature : la forêt et la nuit lui
semblent plus accueillantes. C'est au hasard de ces expéditions nocturnes
qu'il rencontrera la Sorcière, tenue à l'écart du village et décidée à faire de
Silence l'instrument de sa vengeance.
Jouant en noir et blanc dans un graphisme
remarquable, Comès met en place une atmosphère sombre et inquiétante
: tout autour de Silence, le village semble s'être ligué et taire un mystérieux
passé. Une époque révolue dont quelques traces subsistent
et qui semble liée aux origines du jeune homme.
Sous le trait de l'auteur, les paysages ardennais
se transforment en lieux pesants, travail et quotidien y sont des supplices
sans fin. Les superstitions et la cupidité viennent encore ajouter à
l'obscurité ambiante.
De même, les personnages apparaissent crevant de
réalisme, sublimes dans leurs pires défauts. Le dessin est implacable,
n'admettant aucune faiblesse, ni pitié. Tout au long du récit, les
émotions et les sentiments dépassent les cases. Par le jeu des contrastes,
volontiers ironique, ce sont les héros "différents", meurtris par
l'existence et rejetés du monde, qui semblent détenir bonté et compassion.
Émouvante par le destin du héros qu'elle
présente, Silence est une bande
dessinée fascinante et ses qualités sont nombreuses : tant par les
protagonistes mis en scène, que par le décor habilement reconstitué ou encore
par le message sur la différence et l'acceptation de l'autre qu'elle véhicule.
Un album superbe de noirceur, rehaussée de fantastique et de poésie : des pages
à découvrir absolument !
Une lecture que je dois à Mo' : merci pour cet avis tentateur !
Une lecture que je dois à Mo' : merci pour cet avis tentateur !
Commentaires
J'espère que la bibli l'aura !
Ravie de t'avoir permis de découvrir cet auteur. Je sais que tu vas poursuivre... très bonnes lectures à toi ;)
en gros je te disais que j'avais lu cette superbe BD il y a bientôt 25 ans et qu'il serait temps que je me replonge dedans ...