Quand nous étions révolutionnaires de Roberto Ampuero
La présentation de
l'éditeur :
Le récit s’ouvre
sur le coup d’État d’Augusto Pinochet au Chili. Opposant à la dictature, le
narrateur assiste à l’arrestation, la torture, et la mort de ses compagnons de
lutte. En 1974, il s’exile en Allemagne de l’Est et rejoint rapidement un
réseau de jeunes communistes. C’est là qu’il rencontre la fille du fameux
révolutionnaire cubain Ulysse Cienfuegos (directement inspiré de Fernando
Flores Ibarra, cacique de la révolution castriste, responsable de la mort de
centaines de Cubains « contre-révolutionnaires »).
Éperdument
amoureux d’elle, il accepte de la suivre à Cuba pour y fonder une famille et
enfin vivre l’idéal communiste. Exalté par l’idée de la révolution, dirigé
d’une main de maître par son terrible beau-père, le jeune homme embrasse
immédiatement la devise de Castro : la patrie ou la mort. Alors que son mariage
bat de l’aile, il découvre petit à petit la face cachée du régime. Les membres
de la famille Cienfuegos vivent dans l’opulence, le reste de la population est
soumise au rationnement. Chaque frein administratif ou bureaucratique est réglé
en un clin d’œil à la seule mention du nom de son beau-père. Son amitié pour
Herberto Padilla l’éclaire sur les persécutions dont les intellectuels font
l’objet. Mis au ban de la société castriste par son divorce, il découvre le
quotidien des habitants de La Havane, les privations, le secret, le néant des
jours. Se méfier de tous, lutter pour trouver un toit, un morceau de pain,
surveiller ses actes, ses paroles, jusqu’à ses pensées, à chaque instant. Une
seule obsession le guide, comme Reinaldo Arenas ou Zoé Valdès avant lui,
quitter l’île, chercher la liberté, encore.
Avec esprit, entre
mélancolie et humour, Roberto Ampuero raconte la quête d’un idéal. Très
chaleureusement salué par la critique hispanophone, Nuestros años verde olivo
est resté 24 mois sur la liste des best-sellers et a été salué par Mario Vargas
Llosa, prix Nobel de littérature.
Avis :
Paru
sous le titre original "Nuestros años verde olivo" en référence à
l'uniforme des révolutionnaires cubains, "Quand nous étions
révolutionnaires" nous dresse la chronique des désillusions d'un jeune
communiste chilien : réfugié en Allemagne de l'Est, il y poursuit des études,
sans cesser de s'intéresser à la politique et au sort de sa patrie. Il
y rencontre Margarita, la fille d'un des proches du régime castriste et choisit
de s'établir à ses côtés, à La Havane. Autant par amour que par
envie de découvrir le mythique modèle révolutionnaire que représente Cuba :
"Cuba était alors mon utopie. Le Chili mon
cauchemar." A son arrivée sur l'île, le jeune homme
s'enthousiasme pour ce pays qui offre "un monde juste, égalitaire et
solidaire". Il admire ce peuple qui s'enflamme pour son leader
maximo et proclame : "Commandant en chef, ordonne ce que tu veux,
où tu veux et quand tu veux !"
Partageant
son temps entre travail obligatoire et études, entrevoyant un Cuba auquel il ne
s'attendait pas, le Chilien s'éloigne, peu à peu, de son épouse et de son idéal
révolutionnaire. Lorsque le divorce est prononcé, il quitte la
sécurité de la demeure familiale et découvre, contraint et forcé, le triste
quotidien des Cubains dans un paradis de carton-pâte.
C'est
donc l'envers de ce décor de rêve que l'auteur-narrateur nous livre,
désabusé. Pendant que les hauts dignitaires du régime vivent bien,
confortablement installés dans les palaces "cédés" par leurs
propriétaires en échange d'un droit de sortie du territoire, la population est
rationnée, les bâtiments sont en ruine, le travail rare. Les
tracasseries administratives sont monnaie courante. La censure est
également présente : livres confisqués et détruits, écrivains emprisonnés,
assignés à résidence, textes publiés en Occident interdits, ...
A
tout moment, la manipulation, la violence, l'injustice guettent : ainsi, il
n'est pas bon être homosexuel, croyant, original... Le temps
passant, le narrateur devient finalement, comme tout qui s'interroge dans ce
pays, un peu "schizophrène, adoptant deux visages : l'un public et
révolutionnaire, l'autre privé et critique à l'égard du système."
A
travers le compte-rendu de ce désenchantement, l'auteur nous dévoile, par les
rencontres de son héros, une société où chaque parole et chaque acte sont
soigneusement pesés. A tout moment, la prudence, la méfiance même,
est de mise. Comment savoir à qui accorder sa confiance ? Le
compagnon qui sollicite un avis est-il un ami sincère en quête de conseil ou un
pion manipulé par le régime ?
En
permanence, seules comptent la Révolution et l'image donnée au reste du monde :
celle d'un bien-être et une opulence de façade. Tout est affaire de
communication : ainsi, ce festival mondial de la jeunesse et des
étudiants où la ville est restaurée, repeinte, où la nourriture est présente en
abondance, d'où la population est soigneusement tenue à l'écart... Dans
le même ordre d'idée, tout qui est suspect aux yeux du régime est placé
"en quarantaine" le temps des réjouissances : mariposas des
Etats Unis, éléments jugés antisociaux, ...
Relatant
son parcours dans cette chronique douce-amère, le narrateur oscille entre
nostalgie et cynisme. Son parcours dans l'île est émaillé de
rencontres pittoresques, de parcours atypiques, d'anecdotes étonnantes ou
drôles. Il nous dévoile ainsi un pan de l'Histoire de la révolution cubaine
soigneusement caché et offre au lecteur un roman dense et enrichissant. Une
richesse qui se retrouve également dans le style de l'auteur, notamment dans
les nombreuses descriptions, dans le souci du détail. Lorsqu'il
évoque des lieux ou des personnages, il n'omet rien de leur parcours. Des
personnages secondaires volent ainsi la vedette quelques instants au
héros.
Sous
la plume de Roberto Ampuero, La Havane et ses habitants renaissent; les termes
espagnols qui émaillent le récit ajoutent davantage de réalisme et renforcent
le dépaysement. S'il peut sembler difficile à suivre, notamment par
la multitude de personnages rencontrés, ce roman autobiographique mérite
néanmoins un petit effort de la part du lecteur : son réalisme et sa richesse
le valent largement ! A la lumière de cette lecture, l'épilogue prend
tout son sens, onze ans après sa première parution. Particulièrement lorsque
l'auteur évoque la lecture de son ouvrage, circulant clandestinement, à Cuba...
Lu dans le cadre des Chroniques de la rentrée littéraire : un grand merci à Abeline et aux éditions JC Lattès !
Commentaires
Mais le thème ne m'inspire pas.
Bonne journée Nahe