La Fille automate de Paolo Bacigalupi
Lecture en partenariat : Un grand merci aux éditions J'ai lu pour cette excellente découverte !
La présentation de l'éditeur :
Dans un futur proche où le tarissement des énergies fossiles a radicalement modifié la géopolitique mondiale, la maîtrise de la bio-ingénierie est devenue le nerf d'une guerre industrielle sans merci. Andersen Lake travaille à Bangkok pour le compte d'un géant américain de l'agroalimentaire. Il arpente les marchés à la recherche de souches locales au cœur de bien des enjeux. Son chemin croise celui d'Emiko, la fille automate, une créature étrange et belle, créée de toutes pièces pour satisfaire les caprices décadents des puissants qui la possèdent, mais désormais sans plus d'attaches.
Avis :
Pas vraiment habituée à lire des
ouvrages de science fiction, je n’ai pourtant pas hésité longtemps devant la
présentation de ce titre que m’a faite Silvana des éditions J’ai lu. Un choix que je n’ai pas regretté un instant.
Sous la plume efficace de Paolo Bacigalupi,
j’ai découvert un monde à la fois profondément différent du nôtre et finalement
pas si éloigné. Peut-être faut-il y voir
une version de notre avenir… Face à la
disparition des énergies fossiles, à des manipulations génétiques hasardeuses, les
épidémies ont ravagé la population et
changé la face du monde. La planète est
maintenant gouvernée par de puissantes multinationales qui veillent scrupuleusement
sur la nourriture qu’elles
produisent. Le monde est fait de luttes
d’influence, d’espionnage, de pots de vin…
A Bangkok, le pays est dirigé par
la Reine Enfant, assistée d’un conseiller ; le pays intéresse au plus haut
point les investisseurs étrangers car il dispose d’une banque de semences, un
véritable trésor en ces temps tourmentés.
C’est dire si le pays est convoité : à l’intérieur même de ses
frontières, des querelles intestines font rage et malmènent un peu plus la
population. Trois intervenants de poids
se disputent âprement le pouvoir : le Ministère de l’Environnement et ses
chemises blanches, le Commerce et enfin
les sociétés étrangères… Pour la
population, écrasée entre le marteau et l’enclume, le quotidien est difficile,
fait de débrouille, de faim et de misère.
Dans ce décor dantesque, quelques
personnages hors du commun tentent de mener leur barque du mieux possible. Emiko, une nouvelle personne, une automate
abandonnée par son propriétaire : sa vie est un enfer, sa vie est en
sursis dans cette société et elle semble si humaine, dans ses réactions, ses
interrogations. Jaidee est le capitaine des chemises blanches, un homme
intraitable ; il est aimé du peuple mais se fait beaucoup d’ennemi par sa
droiture. Kanya, son adjointe, ne sourit
jamais et se veut à la hauteur de son mentor. Anderson, le gaijin, tente de positionner au mieux
les intérêts qu’il représente, sa rencontre avec Emiko procure à la jeune femme
l’espoir d’une nouvelle vie. Hock Seng
est son assistant : ancien homme d’affaires, il cherche à se renflouer et
n’hésite pas à nouer de dangereuses alliances.
La première partie du roman
installe l’histoire, fait découvrir au lecteur cet univers aux allures d’apocalypse :
la société thaïlandaise et les différentes « castes » qui la
composent, les forces en présence, le quotidien adapté… Ainsi, plus de voitures, sauf pour de très
rares privilégiés, mais des vélos ou des rickshaws, des nourritures inconnues
au nom barbare, des animaux créés de toutes pièces comme ces Cheshire : conçus
comme cadeau d’anniversaire, ils se sont multipliés et hantent les rues.
Au lecteur également de se plier
au vocabulaire employé par l’auteur qui mêle volontiers au récit des termes
thaïs, les utilisant de la même manière : le terme waï désignant le salut
est par exemple utilisé comme un verbe classique et utilisé fréquemment. Cela peut dérouter au début mais on s’y fait
vite. D’autant que cet ouvrage mérite
amplement ce petit effort de concentration !
Passé ce début un peu laborieux
(et le terme est fort), le lecteur est emporté par cette histoire passionnante,
soucieux de découvrir ce qu’il adviendra de ce monde que l’on devine en pleine
mutation et des protagonistes pour lesquels on éprouve de la sympathie. Pour ma part, Emiko et son envie de liberté,
Kanya, victime de son sens de la justice et son sérieux. J’ai pris grand plaisir à suivre leurs aventures,
à les voir évoluer dans cet univers terrible, en manque de valeurs. L’auteur signe ici une lecture coup de poing,
en entraînant son lecteur dans un futur d’épouvante et en l’incitant sans aucun
doute à la réflexion.
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