Sous la Manche de Gilles Pétel
«Il y avait longtemps, trop longtemps sans doute, qu'il n'avait éprouvé un intérêt aussi vif pour un meurtre. Il lui semblait soudain retrouver cette curiosité d'enfant qui l'avait conduit tant d'années auparavant à entrer dans la police. Il aimait les énigmes. Un crime n'était rien d'autre qu'une succession de questions. Comment ? Pourquoi ? Qui ? Des questions qu'il fallait souvent relancer de façon infatigable comme le font les enfants qu'aucune réponse ne satisfait jamais. Dis papa, pourquoi le Soleil tourne-t-il autour de la Terre ? Pourquoi n'y a-t-il qu'un seul Soleil ? Et la Terre ? Pourquoi elle existe ? Ce Burny était un peu comme l'univers. On ne voyait pas d'où il venait, on ne savait pas où il allait. Quant à savoir qui il était au juste, ce n'était pas gagné.»
Avis :
Le récit s’ouvre à Londres et nous présente John Burny, un agent immobilier, volontiers fêtard. L’auteur nous décrit les dernières heures de ce quadragénaire londonien et les doutes qui l’assaillent au moment de s’embarquer à bord de l’Eurostar. Prêt à partir passer le week-end à Paris, John hésite longuement et finit par prendre le dernier train. Il sera assassiné, sous la Manche, au profit d’une panne et l’enquête est confiée à la police française.
En marge des tergiversations de
John Burny, la journée a été longue pour le lieutenant Roland Desfeuillères,
policier parisien : une affaire lui est tombée sur les bras au moment où
il s’apprêtait à rentrer chez lui, bien disposé à passer une soirée calme en
famille. Rentré tard, harassé, il n’a pu
éviter une dispute conjugale, une de plus…
Au fil des jours qui suivent, la situation se dégrade et Roland quitte
le domicile familial, abandonnant femme et enfants. Il profite de l’enquête sur le meurtre de
Burny pour partir à Londres et s’imprégner de l’univers de la victime.
Peu à peu, au cours de son séjour
londonien, Roland prend la pleine mesure du déclin de son couple et s’imagine tout
doucement une autre vie. Découvrant les
moindres détails du quotidien de Burny, il envisage l’existence d’une autre
façon et voit des perspectives inattendues s’ouvrir devant lui.
S’il débute comme un roman
policier, Sous la Manche met bien
vite l’enquête de côté pour faire la part belle aux errances et aux interrogations
du lieutenant Desfeuillères. Gilles
Pétel met à profit une enquête policière pour entraîner son lecteur dans une
histoire aux dimensions plus psychologiques.
Les recherches passent finalement à l’arrière-plan et laissent la place
à une dimension plus humaine, s’intéressant au lieutenant Desfeuillères et à
ses problèmes conjugaux. L’auteur nous
présente un couple qui s’essouffle et se sépare ; il suit également chacun
des protagonistes dans la nouvelle vie qu’ils se reconstruisent. Ainsi, à Londres, Roland met à jour de nombreux points qui le
rattachent à la victime. Petit à petit,
il semble s’installer dans sa vie comme dans un costume confortable et s’y
trouver bien.
Léger et réaliste, ce roman met
en lumière les coïncidences qui existent entre John et Roland. Il oppose également les traits de caractère
propres aux Français et aux Britanniques.
Sur un ton caustique, il égratigne volontiers les uns et les
autres. Le propos est drôle, léger ;
la lecture est plaisante et le voyage agréable.
N’hésitez donc pas traverser la Manche, à la suite du lieutenant
Desfeuillères et à partager sa quête.
Lu dans le cadre des Chroniques de la rentrée littéraire : un grand merci à Abeline et aux éditions Stock !
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